La logique de réutilisation des équipements est inhérente aux succès technologiques qui ont fait et font toujours le CERN. Le Synchrotron à protons en est certainement le meilleur exemple – mis en service en 1959, il injecte toujours, inlassablement, les protons de la chaîne d’accélérateurs après de multiples mises à niveau. Une autre infrastructure s’inscrit parfaitement dans cette logique : le bâtiment 180, deuxième édifice du CERN par sa superficie (13 500 m2), et demeure du hall d’assemblage des grands aimants (Large Magnet Facility – LMF), mue régulièrement pour s’adapter à l’évolution des besoins de l’Organisation. Le bâtiment a de nouveau fait peau neuve au cours de travaux de rénovation qui ont pris fin en 2022. La plus grande usine d’aimants du monde est désormais parée pour relever les défis de la période HL-LHC et au-delà.
Originellement conçue pour accueillir des expériences avec cibles fixes (le bâtiment 180 a notamment hébergé la chambre à bulles Gargamelle), l’infrastructure a été repensée dans les années 1980 pour devenir l’usine à aimants et à éléments de détecteurs que l’on connaît – elle abrite aujourd’hui le hall d’assemblage des grands aimants (LMF), où ont notamment été assemblés les dipôles du LHC, ainsi que plusieurs ateliers d’ATLAS. Nombre des équipements qui strient aujourd’hui le hangar du hall – notamment ses puissantes presses – remontent en fait aux origines de l’infrastructure, dans les années 1960. Ces pièces ont survécu aux générations grâce aux efforts de revitalisation dont elles ont fait l’objet :
« Un groupe de jeunes ingénieurs bénéficiant d’une certaine liberté dans l’exercice de leur créativité a été en mesure de trouver une nouvelle vie à des équipements inusités depuis le déclin des expériences avec cibles fixes. Cet élan de revitalisation a été d’autant plus bienvenu que les équipements en question sont rares et ne sont plus produits. Certaines presses assemblent aujourd’hui les pièces du futur HL-LHC – elles marchent très bien ! », se réjouit Rosario Principe, du département Technologie.
Une même démarche de revitalisation sous-tend les travaux de rénovation entrepris au bâtiment 180 pendant un an, qui ont été achevés en 2022. L’enveloppe du bâtiment a en effet été revue afin de garantir sa durabilité à long terme, tout en assurant la continuité des opérations pendant les travaux. Les travaux, qui concernaient également le bâtiment 183, mitoyen du 180, visaient avant tout à désamianter l’immense hangar, à en renforcer l’isolation et l’étanchéité, tout en modernisant la façade, les fenêtres et la toiture. Un défi de taille au vu des dimensions de l’édifice et de la nécessité de préserver la continuité des activités du hall d’assemblage des grands aimants et des ateliers d’ATLAS, alors à l’œuvre sur l’assemblage des nouvelles petites roues (New Small Wheels) qui ont été installées dans le détecteur pendant les travaux.
« À ses prémices, beaucoup d’incertitudes entouraient le projet, que nous avons abordées avec une certaine prudence. Mettre en œuvre des travaux d’une telle ampleur sur un bâtiment aussi vital pour le CERN était un défi de taille, que nous avons su relever », explique David Rodriguez, responsable du projet de construction. La clé de ce succès : une coordination efficace entre le CERN, les usagers du bâtiment et les six contractants composant le groupement chargé de la mise en œuvre des travaux.
« Les parties prenantes se sont accordées pour réaliser l’essentiel des travaux depuis l’extérieur du bâtiment, par le biais d’échafaudages montés contre la façade. Cela nous a permis de limiter le plus possible notre impact sur les activités et de préserver de bons rapports avec les utilisateurs du bâtiment. Nous remercions particulièrement Rodrigue Faes, TSO du bâtiment, pour avoir facilité la communication entre les équipes », rajoute Milton Morais, gestionnaire de construction.
Le bâtiment rénové n’est pas seulement plus sûr et plus élégant : la nouvelle isolation améliore sensiblement les conditions de travail de ses usagers, qui bénéficient d’un environnement plus chaud pour une consommation énergétique totale réduite. Cette amélioration de l’efficacité énergétique du bâtiment a notamment valu au CERN une subvention de l’Office cantonal de l’énergie.
Ainsi métamorphosé, le bâtiment 180 est équipé pour rester au cœur des activités du CERN pour les années – sinon les décennies – à venir.